Marchands d’Art, mécènes, collectionneurs…

Marchands d’Art, mécènes, collectionneurs…

Paul Durand-Ruel (1841-1919) se rendit à l’exposition universelle de 1855. Il aura fallu cet événement ce « sujet de délire du XIXème » comme le définit alors Gustave Flaubert, pour qu’il découvre l’œuvre d’Eugène Delacroix. 35 de ses toiles exposées sur les Champs Elysées pour la première exposition internationale, organisée par la France à Paris.

Paul Durand-Ruel connaît le monde des artistes peintres puisqu’il tient boutique dans un magasin de papeterie où il avait commencé, outre le commerce des fournitures, à louer et vendre des tableaux. Mais devant les chefs-d’œuvre de Delacroix (il achètera jusqu’à cent soixante tableaux) il prend conscience qu’il peut faire métier de cette médiation entre les artistes et les collectionneurs. Après l’école de Barbizon, dont il prend fait et cause pour avoir rompu avec le classicisme, Durand-Ruel se passionnera pour les Corot, Millet, Courbet, tant d’autres encore. Ils trouveront grâce à ses yeux et un appui indéfectible, tant il est habile à faire monter leur cote. Lorsqu’ils triompheront les impressionnistes auront, avec sa galerie de la rue Laffitte, une vitrine sans égale. Plus tard il ouvrira, avec un succès retentissant, sa collection au public dans son appartement de la rue de Rome. Il s’inscrit avec quelques autres (Adolphe Goupil, Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler, Pierre Matisse et Aimé Maeght) dans le cercle fermé de ceux qui ont permis à l’art de se diffuser, sans passer par la seule volonté des princes. Un Auguste Renoir dira en 1885 ce que l’on doit à des marchands d’art comme Durand-Ruel, dont il réalisera du reste, en 1910, un beau portrait : “Ils auront beau faire, ils ne vous tueront pas votre vraie qualité : l’amour de l’art et la défense des artistes avant leur mort. Dans l’avenir, ce sera votre gloire.”

Plus discrète la gloire des mécènes qui descendent de leur Aventin pour construire la postérité des artistes peintres du XIXème. Si l’Etat, à travers l’organisation des Salons, apporte à l’art pictural un souffle nouveau ce sont les grands capitaines d’Industrie et autant de grands banquiers, nouvelle aristocratie de ce siècle inventif, qui donneront au mécénat toute sa puissance.

Gustave Courbet illustrera avec son tableau « La rencontre », de manière éloquente, comment les artistes du XIXème siècle conçoivent leur relation avec leurs protecteurs. Il y va d’un rapport égalitaire qui n’admet aucune soumission mais privilégie la rencontre de deux sensibilités, deux intelligences, deux démarches. Courbet rendait ainsi un vibrant hommage à un de ses plus solides soutiens, le grand collectionneur Alfred Bruyas, et il témoigne de cette complicité.

Grands banquiers, financiers (Delessert, Rotschild, Casimir-Perrier, Seillière) ou industriels, propriétaires de grands magasins (Chauchard, Dufayel, Schneider) s’engouffreront dans ce marché de l’art qui conforte leur renommée autant qu’il légitime leur nouveau rang social.

Pour autant faut-il négliger ces petites mains – cabaretiers, épiciers, loueurs de meublés – qui ont, à leur humble échelle, contribué à faire vivre en toute liberté ces artistes éminemment fragiles et si peu doués pour vivre de leur art ?

Comment ne pas évoquer dès lors un docteur Gachet dont la trajectoire croisa parmi les plus grands. Paul Gachet (1828-1909) fut médecin avant d’aimer passionnément la peinture sous l’influence d’Alfred Bruyas. Sa maison d’Auvers qu’il acquit en 1872 sera un refuge ou un passage obligé pour les Pissarro, Guillaumin, Corrot, Daubigny. Il accueillit aussi Cézanne dont les tableaux enrichiront sa collection. Van Gogh, qu’il assistera dans ses derniers instants, l’immortalisera dans un portrait mélancolique (1890). Qui ne dit pas sans doute le beau feu qui consume les grands collectionneurs.

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