Dominique-Charles Janssens, la (vraie) passion Van Gogh
Dominique-Charles Janssens, la (vraie) passion Van Gogh
Nous sommes en 1985. M. Janssens a 37 ans. Alors qu’il roule sur l’avenue Charles de Gaulle, à Auvers-sur-Oise, un chauffard lancé à vive allure percute son véhicule devant l’Auberge Ravoux. Gravement blessé, il est transporté d’urgence à l’hôpital. Il ne le sait pas encore, mais en lui faisant frôler la mort, le destin s’est employé à bouleverser sa vie.
Condamné à de longs mois de rééducation, M. Janssens tue le temps, et se plonge dans la lecture de la correspondance de Vincent et Théo Van Gogh. Loin d’être une simple lecture d’agrément, cette découverte est pour lui une révélation. Guidé par son admiration pour l’artiste, il décide de quitter son poste - pourtant enviable - de directeur marketing chez Danone et de se porter acquéreur, un an plus tard, de l’Auberge Ravoux. Quelque 18M€ de travaux de restauration plus tard, l’établissement dans lequel le peintre consuma ses derniers jours est ressuscité.
L’histoire est connue de tous à Auvers. Si le temps en a érodé les détails, une chose est demeurée intacte : la passion du Belge pour le maître hollandais. Il suffit pour s’en convaincre de se rendre à l’institut Van Gogh, et de le lancer sur le sujet. L’affabilité policée de cet homme à la mise élégante cède alors la place à une soif d’explications, à une fringale de partage. Il s’égaye en tous sens, fait pleuvoir les torchons sur lesquels artistes et hommes de lettres ont couché lettres et esquisses, empile livres d’or et anecdotes, distribue les ouvrages d’art consacrés à Van Gogh comme un pasteur zélé le ferait avec la Bible.
Sa foi en l’artiste est inébranlable. C’est d’ailleurs avec un esprit de révérence tout religieux que M. Janssens ouvre la porte de l’humble chambre qu’il occupa en son temps - à distance respectueuse de laquelle il tient caméras et objectifs. « Le plus beau compliment qu’on m’ait fait à son sujet est dans mon livre d’or, s’émeut-il encore. Un visiteur a écrit : ‘Merci d’avoir transformé la gloire de Van Gogh en intimité.’ C’est cette intimité, cette authenticité que les gens viennent chercher en poussant la porte de cette chambre. »
Réaliser le rêve de Van Gogh
Gardien jaloux du temple de la mémoire de l’artiste, le président de l’Institut Van Gogh l’est tout autant de l’atmosphère qui règne dans le restaurant de l’Auberge Ravoux, elle aussi restaurée à l’identique. « Ma philosophie est simple, pose-t-il, il faut conserver l’esprit de la maison. Elle doit rester un lieu de vie. C’est pour cette raison que l’auberge reste une auberge, avec ses cris, ses pleurs et ses joies. »
Aujourd’hui, l’auberge affiche complet, et les visiteurs affluent du monde entier pour goûter à l’ambiance si chère à son propriétaire. M. Janssens pourrait d’ailleurs très bien se contenter de veiller sur cette mémoire vivante que son énergie a tant contribué à ressusciter. Il pourrait se satisfaire de la prospérité retrouvée, des services complets, de l’afflux continu de visiteurs venus du monde entier… C’est mal évaluer l’idée qu’il se fait de la mission qui est la sienne.
Une mission qu’il ne jugera sans doute accomplie que le jour où, conformément au vœu de Van Gogh - qui a toujours rêvé de pouvoir exposer son travail dans un café - une oeuvre de l’artiste sera accrochée au mur de sa chambre. Ce rêve fou, voilà bientôt vingt ans qu’il le bâtit. Don après don, pièce après pièce, il en a peu à peu posé les fondations, à telle enseigne qu’il se pourrait bien qu’il devienne réalité dans un avenir proche. « D’ici à 2020 », se prend-il à espérer aujourd’hui. Dominique-Charles Janssens a attendu 37 ans avant de rencontrer Van Gogh. Il peut bien patienter encore un peu pour l’accueillir chez lui…