Boggio, au nom du peintre

Boggio, au nom du peintre

Au nom du peintre
Depuis un an, l’atelier d’Emile Boggio est ouvert au public. Le fruit de la volonté de l’arrière-petit neveu du peintre post-impressionniste vénézuélien, Xavier, d’offrir au regard des visiteurs une oeuvre dont l’influence sur les jeunes générations d’artistes sud-américains fut décisive. L’occasion également de découvrir que la fibre artistique innerve encore la famille Boggio…

Lorsque Xavier Boggio évoque les souvenirs qui le lient à l’atelier de son arrière-grand-oncle, c’est par un escalier que tout commence. Enfant, le descendant du peintre vénézuélien Emile Boggio avait pour habitude de les dévaler à toutes jambes, pour s’imprégner de l’atmosphère si particulière des lieux. « C’était un endroit doté d’une atmosphère hors du commun, rembobine-t-il. A chaque fois que j’y allais, j’avais la sensation de pénétrer dans une sorte de cathédrale. Il faut s’imaginer qu’à l’époque, il y avait plus de cent tableaux accrochés aux murs. » Même si le temps et les successions ont un peu dépouillé les cimaises, l’atelier, qui a été entièrement restauré, a conservé un fond d’une trentaine d’oeuvres, que Xavier a décidé il y a un an d’offrir àl’oeil du public.

« C’est la volonté de transmission qui a guidé mon choix, explique-t-il. Je pense que toute création doit appartenir à la communauté toute entière, car une oeuvre ne vit, sa qualité ne ressort, qu’à partir du moment où elle est vue, où elle est ressentie par des regards. C’est la raison pour laquelle il est important de mettre ce lieu et les oeuvres qui s’y trouvent à disposition des visiteurs. »

Le travail d’Emile Boggio est, du propre aveu de son arrière-petit-neveu, difficile à définir. Symboliste à ses débuts à l’Académie Julian de Paris au tournant des années 1880, l’artiste a peu à peu délaissé ce style au profit de l’impressionnisme. Un mouvement dont il fréquenta assidûment les principaux représentants, de Camille Pissarro à Claude Monet, et dans lequel il puisa une grande partie de son inspiration. «Tous ces artistes se sont influencés les uns les autres, prolonge Xavier. Chacun avait bien évidemment sa propre palette, sa propre matière, sa propre touche, mais ils partageaient une même quête de lumière, une même volonté de sortir de l’atelier. Pas seulement pour peindre des fleurs et des paysages d’ailleurs, mais aussi pour saisir la vie ordinaire. »

Une cathédrale en construction

Cette volonté de capter l’essence du quotidien imprègne les toiles d’Emile Boggio. La rude humilité du labeur des champs, le silence des ruelles désertes, la simplicité de l’existence des gens de peu : toute la beauté que la banalité renferme, l’artiste s’est appliqué à la restituer dans son oeuvre. Une oeuvre virtuose - le peintre excellait dans tous les genres, du portait au paysage - riche de sa diversité, et d’une évolution qui a porté sa palette du pointillisme le plus minutieux aux élans incandescents du fauvisme. Une oeuvre surtout, qui a influencé toute une génération de peintres sud-américains, au point d’en faire « une sorte de Claude Monet local », comme se plaît à le présenter Xavier.

La nécessité de rompre avec l’académisme, qui avait si longtemps corseté la création picturale, explique en partie l’appétit du dehors, des vies qui s’y déploient, de Boggio. Mais pas seulement. Sous des dehors taciturnes, le peintre était en effet un humaniste érudit - il parlait cinq langues et aimait à fréquenter les poètes -, acquis aux idées socialistes de son ami Jaurès. Pourtant issu d’un milieu bourgeois conservateur - ses parents, commerçants, avaient fait fortune à Caracas - il ira jusqu’à même jusqu’à refuser la légion d’honneur, comme son ami Henri Martin, pour protester contre les guerres d’Indochine.

Homme de son temps, Boggio l’était aussi dans sa pratique de la photographie. Une pratique embrassée dès l’enfance et dans laquelle réside peut-être la spécificité de son approche picturale. « Sa façon de composer, de poser les plans et de mettre les sujets en scène, ce va-et-vient permanent qu’il opérait entre l’appareil et le pinceau lui donnent cette manière particulière, confirme Xavier. Je crois que c’est cela qui forge en grande partie sa singularité et qui fait que lorsque l’on voit un Boggio, on sait que c’en est un. »

Xavier Boggio pourrait parler des heures entières de l’oeuvre de son ancêtre. En admirateur sincère, mais aussi en connaisseur. Car cet ancien élève des Beaux-Arts a également embrassé une carrière artistique. Il expose d’ailleurs son travail, entamé il y a plus de trente ans, dans l’atelier situé sous celui de son arrière-grand-oncle. Pour le découvrir, il suffit au visiteur curieux d’emprunter un autre escalier, et d’ouvrir les portes d’une autre cathédrale. En construction celle-ci.

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