Et le tube de peinture libéra les peintres

Et le tube de peinture libéra les peintres

Longtemps les peintres furent rivés à leurs ateliers. De mémoire ou d’après croquis ils interprétaient ce que les paysages, la nature, les éléments leur avaient laissé à voir.

On travaillait depuis l’antiquité avec des pigments que l’on broyait en poudre et que l’on transformait en pâte en liant la matière pilée avec moult liants. L’huile siccative qui permettait à la peinture de sécher rapidement était extraite du lin, de la carthame (plante oléagineuse), de la noix de l’œillette (espèce de pavot). Elles feraient d’excellentes peintures à l’huile. Il y aura aussi la gomme arabique (sève d’acacias notamment) qui donnera l’aquarelle ou la gouache. L’œuf sera utilisé pour la tempera visible sur quelques peintures sur bois et la cire pour les pastels ou encore la peinture à l’encaustique.

C’est, autant que les peintres, le règne des chimistes ou des apothicaires et c’est tout naturellement qu’une maison s’imposera à Paris à la fin du XIIIème siècle. Les descendants de Charles Laclef, chimiste de renommée mondiale et fournisseur en peinture du château de Versailles, feraient beaucoup pour l’art. Depuis 1720 Charles régnait en bord de Seine associé à Jean Siméon Chardin peintre dont la renommée franchirait le siècle. « La clef d’argent » la bien nommée fut fondée par le fils de Laclef, Jean-Baptiste, en 1775, et elle s’imposera au XIXème siècle sous l’autorité, et avec l’audace, de Jules et Alphonse Lefranc. Lefranc Frères.

Parmi les services qu’elle proposait on pouvait lire, « Fabrique de couleurs fines ». 35 ans de travail avaient en effet contribué à faire de Charles Leclef un expert reconnu en couleurs aussi fines que durables. Sa complicité avec Chardin maître en couleurs accélérait les progrès de la peinture. Un siècle après la disparition de ce dernier les frères Jules et Edmond de Goncourt n’en finissaient pas dans La gazette des Beaux-Arts de vanter les mérites du peintre : « Chez lui, point d'arrangement ni de convention : il n'admet pas le préjugé des couleurs amies ou ennemies. Il ose, comme la nature même, les couleurs les plus contraires. Et cela sans les mêler, sans les fondre : il les pose à côté l'une de l'autre, il les oppose dans leur franchise. Mais s'il ne mêle pas ses couleurs, il les lie, les assemble, les corrige, les caresse avec un travail systématique de reflets, qui, tout en laissant la franchise à ses tons posés, semble envelopper chaque chose de la teinte et de la lumière de tout ce qui l'avoisine. » Les héritiers de Leclef et de Chardin feraient fructifier ces avancées.

De quoi inspirer les impressionnistes à qui la maison Lefranc ferait souvent crédit tout en leur offrant la clé des champs, avec l’avènement du tube de couleur. En 1859, Alexandre Lefranc qui dirige la belle maison, clôture des années de recherche sur le conditionnement de la peinture. Il a mis au point le bouchon à vis, qui installe définitivement dans la pratique picturale le tube souple inventé par le peintre américain, John Goffe Rand, en 1841. Les chemins de la liberté passent désormais par cet objet dont les impressionnistes et tous les autres useront.

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