L’Estaque l’envers solaire d’Auvers
L’Estaque l’envers solaire d’Auvers
Comme le décrit alors l’historien Alfred Saurel (1827-1887) le village vu de la voie ferrée « parait fort en désordre » et il imagine l’embarras des architectes chargés d’y percer quelques artères. En vagues serrées l’habitat modeste de l’Estaque se décline du pied de son massif de la Nerthe aux rives de galets de la Méditerranée, où seules, naguère, quelques maisons de pêcheurs s’abritaient du vent d’Est et du Mistral.
Puis ce petit Naples a grandi. Les tuileries sont venues grossir, avec leurs ouvriers, les rangs des pêcheurs de sardines ou, moins nombreux, de thons, de langoustes et d’oursins. Quelques belles demeures commencent à poindre aussi, annonçant la petite station balnéaire qui fera le bonheur des nantis marseillais au siècle suivant. Les Derain, Braque et autres Dufy y séjourneront.
Personne mieux que Cézanne ne peut décrire le choc esthétique qui surprend les nouveaux arrivés descendus du tramway hippotracté qui, par le chemin du littoral, leur permet dès 1875, de rallier la gare Saint Charles à l’Estaque. « Le soleil est si effrayant qu'il me semble que les objets s'enlèvent en silhouette, non pas seulement en blanc ou noir, mais en bleu, en rouge, en brun, en violet » écrit-il à son ami Pissarro en 1876 et d’ajouter, « Je puis me tromper, mais il me semble que c'est l'antipode du modelé. »
Comme d’autres avant et après lui, Cézanne se doit de partager sa vie entre la capitale où il peut espérer séduire quelques riches amateurs et les marchands d’art et cette province. Et puis, sorti de l’atelier, il se soumet à la dictature de la couleur et des lignes infinies et bousculent un peu plus encore les règles dans lesquelles on voulait l’engoncer. L’Estaque et Auvers sont finalement si proches.