L’art ce fleuve inversé

L’art ce fleuve inversé

Au commencement, il y avait le verbe pictural. Il s’exprima sur les parois des grottes puis dans la lumière des premières civilisations avant que les puissants ne l’accaparent ne l’enserrent dans des règles, des lois, des contraintes. Antique, médiéval, renaissant, classique, académique, ce delta multiple gonflerait à rebours un fleuve d’abondance.

Le flot artistique du XIXème et ses « indépendants » porteraient des évidences autant que des audaces. Elles enfanteraient à leur tour d’autres partances picturales conduisant toutes, in fine, à une même source prolixe, l’artiste. Ainsi en ira-t-il de Monet pour l’abstraction ou de Van Gogh pour le fauvisme.

Monet bien sûr

Allant quérir au cœur des paysages les thèmes qui le fondent, Claude Monet répète ses gammes inlassablement en atelier. Le dessin l’avait attiré et au fil du temps, paradoxe têtu, c’est la ligne qu’il estompe, gomme, esquive. La couleur s’installe en évidence et d’elle naît la forme. « Qu’y a-t-il à dire de moi ? S’interrogera-t-il, Que peut-il y avoir à dire, je vous le demande, d’un homme que rien au monde n’intéresse que sa peinture et aussi son jardin et ses fleurs ? ». De Londres, aux Pays-Bas en passant par son jardin de Giverny, Monet s’entête à faire vivre le geste spontané point de départ d’une œuvre d’art. La lumière s’impose comme le personnage principal de ses compositions. Foin des écoles pour Monet. « J’ai toujours eu horreur des théories, assure-t-il, je n’ai que le mérite d’avoir peint directement, devant la nature, en cherchant à rendre mes impressions devant les effets les plus fugitifs, et je reste désolé d’avoir été la cause du nom donné à un groupe dont la plupart n’avaient rien d’impressionnistes ! » L’artiste en réfutant son influence ignorait encore qu’il en aurait une autre au mitan du XXème siècle. Les expressionnistes abstraits en feraient un guide jusqu’à choisir son jardin de Giverny comme lieu de pèlerinage obligé. Le fleuve impressionniste à contre-courant aurait ses affluents.

Van Gogh encore

La couleur est un cri. Edvard Munch (« Le cri ») ne démentirait pas l’affirmation lui qui le figeait dès 1893 sur la toile. Cet éclaboussement de la couleur Munch le partage avec celui qui l’a précédé Vincent Van Gogh. D’autres encore peuvent revendiquer ce geste au premier rang desquels les « fauves ». Maurice de Vlamink ose le scandale. « Je faisais éclater les tubes de couleurs les tubes sur ma toile et n’employais que les vermillons, les chromes, les verts et les bleus de Prusse pour hurler ce que je voulais dire ». Le cri encore comme Van Gogh parlant du jaune cette « clarté suprême de l’amour ». Une couleur qui « hurle » dira-t-il avant de rejoindre Arles et sa débauche de lumière. De Vlaminck qui ne se remettra jamais du choc esthétique qu’il ressent devant la « nuit étoilée ». Libertaire revendiqué il s’émeut de cet « instinct » qui le pousse comme Van Gogh à planter, sur le crâne incliné des intellectuels de l’art, le drapeau polychrome d’une peinture sans limite.

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